Vu de l’extérieur, où la présence de Yan’ Dargent se limite à une humble tombe blanche, l’enclos de Saint-Servais évoque pourtant d’abord l’effort des générations du 17e siècle pour faire une église de ce qui n’était au départ qu’une simple chapelle de Plounéventer, dédiée à saint Servais, évêque de Maastricht. À la faveur de la prospérité, on dressa un clocher, à double galerie comme il convient en Léon. Puis on restaura le calvaire, on approfondit le chœur et on construisit un ossuaire (1643) dont la porte arbore un décor remarquable, mêlant les motifs de la Renaissance – entrelacs, fuseaux, grotesques – aux premiers angelots baroques.
La région s’appauvrit au 18e siècle : il faut se contenter d’un modeste porche (1749)… et attendre Yan’ Dargent pour le décor intérieur de l’église et de l’ossuaire. Le peintre répondra volontiers aux sollicitations du recteur : par piété familiale à l’égard de sa mère, décédée alors qu’il n’avait que deux ans ; par attachement aussi, sans doute, pour un lieu qui avait été pour lui celui de la découverte d’un légendaire fascinant, celui de l’Ankou et des Lavandières de la nuit en passant par l’épopée des vieux saints.
Cet attachement romantique au passé, il le poussa jusqu’à l’anachronisme en demandant qu’après sa mort sa tête soit conservée à part, dans une « boîte à crâne »… comme on l’avait fait pour sa mère et pour son oncle, mais comme on avait cessé de le faire dans la région depuis un bon demi-siècle. La demande fut honorée, non sans mal, en 1907.