Enclos Paroissial de Commana

Enclos Paroissial de Commana DE LA RUDESSE À L’EXUBÉRANCE

Tous les jours de 10h à 19h
Parking à proximité
Restaurant à proximité
Pas d'accès handicapé
Toilettes à proximité

Nous sommes au pied du clocher le plus haut perché de Bretagne. Culminant à plus de 300 m., la cime n’est pas loin d’approcher les crêtes des Monts d’Arrée, et elle s’y intègre heureusement par son austérité voulue, sans balustrade ni clochetons (1592). Le puissant appareil des murs, la rustique porte monumentale et la sobre façade de l’ossuaire (1677-1687) dégagent la même force ; une force qui naît de la simplicité des lignes et de la qualité des matériaux extraits des carrières toutes proches, la grosse ardoise de montagne et le rude granit de Plounéour-Ménez.

La seule concession à l’ornement semble être le lanternon couronnant le remarquable porche (1645-1653). Mais l’emploi exclusif du granit limite ici encore les possibilités décoratives : le kersanton se limite à deux chapiteaux corinthiens et aux trois statues (Joseph, Marie, et au sommet saint Derrien, patron de la paroisse). L’architecture n’en ressort que mieux, dans une rigueur d’épure.

A l’intérieur, les niches vides elles-mêmes s’accommodent sans mal de l’absence – sans doute originelle – des statues des apôtres. L’ensemble porte la main d’un maître : Roland Doré s’il faut ainsi comprendre la série de lettres : DRHMF (Doré hoc monumentum fecit). Doré, en tout cas, a signé l’un des deux calvaires (1624). Et pourtant, cette église aux dehors rudes abrite, dans un contraste baroque, le retable de bois le plus spectaculaire de toute la Bretagne.

Sur huit mètres de large et six mètres de haut, les boiseries rouge, brun et or du retable Sainte-Anne (1682) sont d’une exceptionnelle générosité. Sortent également de l’ordinaire le baldaquin des fonts baptismaux (1683) et le retable des Cinq Plaies du Christ. La perfection technique du premier (avec ses figures féminines très allongées), l’exubérance quasi profane du second sont bien dans la manière des sculpteurs de la Marine de Brest qui mettaient volontiers leur talent, entre deux chantiers de navires, au service des riches paroisses toilières.

LE PORCHE SUD

On pénètre aujourd’hui dans l’église par le porche sud, petit joyau d’architecture inspiré sans doute de celui de Saint Houardon à Landerneau. Il fut construit entre 1645 et 1653 et l’architecte qui le conçut utilisa le triangle pythagoricien pour lui donner une structure d’une élégance remarquable.

Les contreforts d’angle, richement travaillés, surmontés de clochetons et lanternons encadrent la façade non moins ornée. Elle montre des colonnes annelées à la Philibert Delorme, des colonnes cannelées corinthiennes aux chapiteaux de kersanton qui supportent une architrave moulurée suivie d’une frise où se lit l’inscription : DOMVS MEA DOMUS ORATIONIS VOCABITUR (ma maison sera appelée maison de prière).

Au-dessus de la corniche, un attique orné de pilastres et de cartouches présente, au centre, une niche contenant le Voile sacré montré par Véronique. Une place privilégiée est réservée au centre du gable pour le saint patron de la paroisse, Derrien, dans une niche aux colonnettes toscanes. Le pignon est surmonté d’un beau clocheton amorti en lanternon. A l’intérieur du porche, des colonnettes ioniques bordent de part et d’autre les niches des apôtres dont on se demande si ces derniers ont un jour existé.

Les différents ordres classiques sont donc représentés, correspondant ainsi aux caractéristiques de l’architecture renaissance bretonne. L’accès à l’église se fait par deux portes géminées, séparées par un trumeau portant bénitier.

LE BAPTISTÈRE

Au fond du collatéral nord, les fonts baptismaux de 1656 comprennent une cuve en kersanton portant l’inscription pour le moins surprenante et qui est, somme toute, un merveilleux acte de foi : CE : LVI : QVI : CROIRA : ESTRE : BABTISE . SERA. SAVVE. F.F.PAR : F.BRETON . & . Y.K.BRAT.F.B. 1656. Notons qu’habituellement, lorsqu’une inscription existe, elle est la suivante : CELUI QUI CROIRA ET SERA BAPTISE SERA SAUVE.

Quelques années plus tard, en 1683, le conseil de fabrique commanda à Honoré Alliot, maître sculpteur de Recouvrance à Brest, le baldaquin pentagonal au ciel duquel se voit un bas relief polychrome avec dorure représentant le baptême de Jésus par Jean dans les eaux tumultueuses du Jourdain. Il est surmonté d’un dôme à balustres coiffé d’un dais porté par trois cariatides entourant un prédicateur, sur lequel se trouve le Christ ressuscité, tenant une croix.

Un des aspects les plus intéressants de ce baptistère consiste en la présence de statuettes très élancées répondant aux canons de Jean Goujon par les effets de draperie mouillée et la grâce sensuelle qui relèvent d’une esthétique maniériste. Elles sont adossées aux pilastres et représentent les trois vertus théologales, la Foi portant les testaments et une maquette d’église, l’Espérance priant les mains jointes et la Charité tendant une pièce de monnaie sortie de la bourse qu’elle tient ouverte, ainsi que deux vertus cardinales, la Justice au glaive levé et la Tempérance qui renverse une amphore de vin et porte un cruchon d’eau. La rambarde de ce lieu de sacrement est supportée par des panneaux aux arabesques ajourées.

LE RETABLE DE SAINTE ANNE

Comme on peut le lire sur les deux médaillons situés de part et d’autre du tabernacle, le retable de sainte Anne fut réalisé en 1682 du temps de « Missire Yves Messager, recteur », ce brave recteur qui prit la suite du recteur Croguennec. Ce dernier eut maille à partir avec ses ouailles lors de la révolte des Bonnets Rouges en 1675. Il fut sans doute réalisé en expiation des mauvais traitements que lui infligèrent ses paroissiens qui le croyaient détenir et cacher la gabelle !

La scène centrale représente Anne et Marie encadrant l’enfant Jésus portant le globe terrestre sous le regard de Dieu le père, barbe au vent. Dans les niches latérales, les époux respectifs des saintes femmes : Joachim tenant une tarière et Joseph qui a perdu son lys. Au-dessus du tabernacle sont quatre vertus cardinales (la Prudence, la Force, la Justice et la Tempérance) et de part et d’autres des médaillons contenant un ecclésiastique (peut-être saint Derrien), l’enfant Jésus, la Vierge et l’Enfant, le Seigneur, sainte Marie, saint Joseph, Jésus et Jean-Baptiste enfants, saint François d’Assise, et saint Yves et le riche et le pauvre ; la Trinité domine le tout.

L’intrados situé sous la Trinité est particulièrement intéressant et montre les monogrammes IHS et MA, des représentations de Joachim et Anne, Jésus enfant et Marie, Le soleil et la lune et, dissimulés deux médaillons en position secondaire figurant Joachim et Anne. Le panneau central de l’autel montre Anne éduquant Marie et, de chaque côté le blason des Bouvans du Bois de la Roche, seigneurs prééminents. Cet ensemble de boiseries est orné d’une profusion de guirlandes, rinceaux, arabesques, pampres et angelots que rehaussent des dorures à la feuille pour faire de ce retable l’un des plus beaux exemples baroques du XVIIe siècle.